Comment désinvestir pour le private equity ?

A l’heure du développement exponentiel des normes comptables internationales, mais aussi des codes de gouvernance et surtout des réglementations boursières telles Sarbanes Oxley, l’investissement dans le non-coté connaît un vif succès. En effet, la gestion imposée aux dirigeants des sociétés cotées est tellement lourde que celle offerte par le non-coté pourrait s’avérer plus propice à une croissance focalisée sur le long terme. Avec un retour sur investissement supérieur au marché des actions, on peut dès lors se demander si l’investissement en private equity ne profite pas de l’excès de réglementation financière à laquelle sont soumises les sociétés cotées.

 

Pourtant, pour réaliser les performances promises en Private Equity, encore faut-il pouvoir désinvestir dans des conditions favorables. Il est possible d’investir avec une conception de ce que sera l’investissement, mais il n’est pas réaliste d’avoir une notion préconçue du désinvestissement. L’associé gérant du fonds et l’entrepreneur devront être flexibles, et l’alternative de désinvestissement sera discutée dès les premières dues diligences. Deux variables majeures détermineront le succès et le type du désinvestissement. Il s’agit des conditions du marché et de la qualité de l’investissement en termes de management, de revenus et de coûts. Témoin de ce phénomène, 80% des fonds de private equity estiment que la stratégie de désinvestissement change au moins deux fois au cours de la vie de l’investissement et 90% négocient en parallèle deux alternatives. Acheter une entreprise, la développer puis la revendre est un processus à long terme qui s’étale sur des années. Or, les investissements non finalisés deviennent problématiques avec le temps. Les managers de fonds sont mis alors sous pression pour redistribuer le capital aux investisseurs et en général via des stratégies traditionnelles. Quelles sont-elles?

 

On distingue 3 types majeurs de sorties et un groupe mixte. Le premier est la sortie sur le marché des offres publiques de vente. Cette méthode n’a représenté en 2005 que 2% du nombre des désinvestissements, contre 4% en valeur. Ce mode opératoire concerne donc surtout les plus grandes entreprises concernées, étant donné que les entreprises en portefeuille qui n’ont pas 6 à 8 trimestres de croissance avérée ne trouveront pas d’acheteur lors de leur introduction. En revanche, la présence antérieure d’un fonds dans le capital d’une entreprise entrant en Bourse semble être une condition favorable à une performance accrue de l’action, pendant la première année de l’introduction en Bourse. Une variante reste la vente d’actions cotées, qui consiste en un désinvestissement postérieur à l’introduction en Bourse. C’est la dernière des alternatives retenues par nombre et valeur de transactions en 2005, et elle ne concerne en général que des entreprises de taille modeste. La différence majeure avec l’offre publique de vente est que l’associé gérant va attendre une hausse des cours, probablement à l’aide d’une solide communication financière, pour se désengager. Il s’agit de la stratégie la plus opportuniste et marginale.

 

L’autre type de sortie est la vente de gré à gré, à une société industrielle ou de services. Les motifs pour l’acquéreur peuvent être d’ordre financier, technologique ou stratégique. C’est ainsi la stratégie de désinvestissement que visent initialement 80% des associés gérants, en général assez tôt dans le cycle de l’investissement. La vente stratégique est cependant corrélée au dynamisme du marché des fusions acquisitions. Après plusieurs années boursières euphoriques, certaines grandes entreprises disposent de liquidités nécessaires pour procéder à des restructurations ambitieuses mais aussi à une stratégie de croissance externe. Ainsi, en Europe, en 2005, les ventes de gré à gré représentèrent 25% des désinvestissements en valeur, soit la première alternative. L’année 2007 devrait connaître encore de grandes manœuvres. Le second type de vente de gré à gré est la revente des parts acquises par le fonds au management, en général le fondateur ou d’autres dirigeants, totalisant 18% du nombre des désinvestissements contre 7% en valeur. Dans ce cas, la clause de rachat sera incluse dans le contrat d’investissement initial.

 

Le rachat de l’investissement réalisé par un fonds de private equity par un second fonds est le troisième type de sortie. Phénomène nouveau dans l’industrie, il est aussi de plus en plus fréquent. Plusieurs circonstances suggèrent qu’aujourd’hui le phénomène de second rachat par un autre fonds est là pour durer. Premièrement, les fonds ont aujourd’hui un excédent de capitaux, par rapport aux affaires possibles sur le marché. Depuis la reprise des marchés boursiers en 2003, les fonds ont tellement levé de capitaux que l’offre de capitaux est aujourd’hui excédentaire. En conséquence, il est normal que se soit banalisé le rachat par un second fonds. Ainsi, si le rachat secondaire continue d’offrir des sources de revenu, on peut dire que certains fonds négocient continuellement les uns avec les autres. En 2005, si 6% du nombre des désinvestissements étaient des rachats par des seconds fonds, ils représentent 18% des désinvestissements en valeur. Ceci porte à croire que les plus grandes entreprises restent dans le giron des fonds. Dans la même ligne, la vente à des institutions financières, qui peuvent poursuivre un objectif de diversification de portefeuille, a atteint 2% du nombre des désinvestissements contre 5% en valeur.

 

Dans l’ensemble donc, les statistiques de désinvestissement dans le private equity en Europe témoignent de plusieurs manières d’un secteur en rapide maturation. Tout d’abord, le «taux de déchet» de l’industrie – les montants passés en perte – diminue sensiblement en pourcentage des montants totaux désinvestis. Ensuite, la croissance de ces totaux se fait indépendamment des aléas de l’appétit des Bourses pour les IPO, comme en témoigne la relative stagnation de ce type de désinvestissement. Les voies traditionnelles de désinvestissement – vente de gré à gré et sorties mixtes – gardent, elles, toute leur place, tout en évoluant dans la manière dont elles sont mises en place et exécutées. Enfin, la croissance des désinvestissements par vente à un autre fonds met particulièrement en évidence le degré de maturité du secteur.

 

Les optimistes y verront le signe d’une sophistication croissante permettant aux fonds d’optimiser la gestion de leur portefeuille, et les pessimistes y verront les signes avant-coureurs d’un retournement de la tendance si positive des dernières années.

 

Publié sur le journal le Temps, le lundi 16 avril 2007

sorties pour les investissement de private equity

 

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